Il y a des termes et des expressions que nous n’entendons plus : « represent », « Check me(it) out », « sellouts », « sucker », « keep it real ».
C’est un signe qui ne trompe pas sur la tournure que le HipHop a pris. Ce qui s’est passé c’est que nous avons, collectivement, perdu le contrôle de la direction de notre culture. Cette perte de contrôle est venue, petit à petit, quand nous avons cédé notre savoir-faire (et savoir-être), qui s’est retrouvé confisqué par des gens qui n’y connaissent rien.
Nous avons cédé notre savoir-faire quand nous avons permis aux médias qui nous méprisaient de venir raconter notre histoire, à notre place (parce qu’ils nous donnaient soi-disant une plus grande exposition), nous avons cédé notre savoir-faire quand nous avons commencé à prendre comme instrument de mesure de nos art et culture, les récompenses d’une industrie et d’un marché qui ne nous considéraient pas pour ce que nous voulions être.
Nous avons cédé notre savoir-faire quand nous avons confié la responsabilité à des manageurs, tourneurs, producteurs, venus de nulle part et de partout, d’organiser nos rencontres au prétexte qu’ils étaient plus professionnels.
Nous avons cédé notre savoir-faire quand nous avons estimé que les institutions pouvaient aider notre culture à grandir et qu’il fallait, par conséquent, leur confier la manière dont nous la voulions la développer.
Ces institutions, ces médias, ces industries, ces professionnels ont petit à petit commencé à faire ce qu’ils savent faire de mieux, codifier, normer notre culture en fonction de leurs intérêts. Et certains acteurs de la culture HipHop ont applaudi alors que l’essence même du HipHop, c’est justement défier la norme. Voilà, comment nous avons perdu le contrôle de notre culture, et voilà en quelque sorte, comment le HipHop, telle que nous le connaissions est mort dans les mains de ces gens.
Un peu, à l’image de la société dans laquelle nous vivons, le HipHop est devenu une mini-société de normes à tout va, rap conscient, rap de rue, street art, urban graffiti, danse debout, danse au sol, etc. Et dans une société de normes, comme l’est la société occidentale, ce sont les imposteurs qui excellent. Voilà, pourquoi il y en a tant aujourd’hui, et voilà pourquoi l’expression « keep it real », par exemple, est en voie de disparition.