Connu et reconnu des initiés depuis au moins la fin des années 1990, Mr JL a sorti son premier album solo, « Des Instants T », en février 2020. Un an après, La Voix du HipHop, s’est entretenu avec ce MC du groupe Mic-Pro, ancien artiste du label Arsenal records, sur cet opus bien sûr, mais au-delà sur son parcours et son regard sur l’évolution du rap.
Combien de temps il t’a fallu pour la réalisation de cet album « Des Instants T », de l’écriture à l’enregistrement jusqu’au mixage final ? Estimes-tu avoir sorti ce 12 titres dans de bonnes conditions ?
J’ai dû mettre un an à finaliser le projet « Des Instants T », mais c’est vrai qu’il y a des morceaux qui étaient plus anciens que d’autres. Donc, en termes de temps, on va dire approximativement deux ans tout cumulé, de l’écriture au mixage. J’ai enregistré avec DJ Sek. Toujours. Donc on peut dire que cet album a été réalisé dans de bonnes conditions, sans pression de qui que ce soit.
« Des Instants T » est un disque produit par Mathématik Beats / Time Bomb Records Label / Mic-Pro. Peux-tu nous éclairer un peu sur ton label ainsi que sur ton groupe Mic-Pro, et puis nous préciser ce qu’est L’International Pro Low Club?
C’est simple. A partir du moment où DJ Sek produit quelque chose et fait un son, c’est estampillé Mathématik Beats, qui est son identité propre à lui. Et c’est aussi estampillé Time Bomb Records Label, avec l’accord des autres membres de Time Bomb, parce que DJ Sek est un membre fondateur de ce label. Et c’est estampillé Mic-Pro parce qu’il y a le parfum Mic-Pro sur l’album, même s’il n’y a pas de featuring de mes collègues de Mic-Pro sur cet album. Enfin, International Pro Low Club représente mon identité à moi, JL, tout seul. Donc, tout ce que je fais en termes de rap et de musique aujourd’hui, c’est estampillé International Pro low Club.
Si tu ne fais pas de rimes, ne fais pas de rap, fais autre chose…Le rap, c’est la rime.
Y a-t-il un ou plusieurs titres sur lequel ou lesquels il a fallu prendre plus de temps soit à l’écriture soit à la réalisation ?
En général, je suis relativement lent pour écrire. Donc tous les titres sont rarement écrits rapidement. Il me faut toujours beaucoup de temps pour écrire. J’écris rarement en studio ou sur place pour poser directement. Il faut du temps pour réfléchir à ce que j’écris, pour voir si c’est cohérent. Pour la réalisation, ça va assez vite, généralement avec Sek.
« Des Instants T » correspond à ton premier album solo, 9 ans après ton EP en solo « Maintenant Tu Sais Qui Je Suis » (en sachant qu’il y eu notamment différents projets sortis avec ton groupe Mic-Pro durant cette période). Dans quel état d’esprit as-tu entrepris ce disque?
Oui, oui, c’est vrai. Il y a eu 9 ans entre le EP solo « Maintenant Tu Sais Qui Je Suis » et l’album « Des Instants T ». Parce qu’entre temps, je mettais en avant principalement le Groupe Mic-Pro, avec mes collègues Ruddy Lapoz et Vulkain. Au cours de ces 9 ans, il y a eu ces deux albums avec le groupe, « Les Modes Passent… » et « La Cour Des Miracles ». Après, je n’avais pas de truc, ça se fait naturellement, il n’y a pas de stratégie. Quand les albums du groupe sont prêts, on les sort. Mon album à moi est fini, je le sors quand je sens que je suis prêt à le sortir. Il n’y a pas d’un état d’esprit particulier. Si on écoute bien, il y a beaucoup de choses plus personnelles que sur les albums de Mic-Pro.
J’ai juste l’envie de faire un joli disque, juste l’envie de faire quelque chose de cohérent. Un album cohérent. Un album concret, vraiment, avec peut-être comme ligne directrice, ma vie. C’est ce que j’essaie de faire en faisant fi du monde extérieur, des tendances ou quoi que ce soit d’autre. Je cherche juste à faire un album que je puisse écouter plus tard, en étant fier de ce que j’ai fait et en pouvant le faire écouter à d’autres gens, en ne regrettant pas ce que j’ai fait. Un album pas daté par le temps ou pas daté par une époque ou par une tendance, faire un joli album sincère.
Exceptés les titres » Vieux et Futile » produit par Frero et « Tant pis » produit par Just Music Beat, toutes les productions sont signées par l’homme que l’on nomme Dj Sek aka Kessey. Comment avez-vous travaillé ce projet ? Et selon toi quel(s) est (ou sont) le(ou les) point(s) fort(s) de Kessey en tant que Beatmaker et producteur ?
En effet, sur l’album, tout a été produit par Sek excepté ces deux titres. J’ai travaillé ça de manière naturelle, en tout cas pour Fréro Prod et Just Music, ce sont des mecs dont j’apprécie le travail depuis longtemps. Fréro Prod, je les connais depuis 20 ans, même plus. J’avais déjà bien entamé l’album quand j’ai demandé ces sons à ces deux autres équipes de producteurs. J’avais envie d’avoir une ou deux touches différentes sur cet album-là. J’ai fait tout simplement appel à mes gars.
Avec Kessey, on travaille comme un groupe. J’écris. Je passe le voir, il me fait écouter des sons déjà faits ou il me fait écouter des boucles. Soit on écoute la boucle et il me demande ce que j’en pense, et si la boucle me plaît, on part dessus. Soit je vais chez lui, il a déjà une palette de sons à me faire écouter et choisis dans ces sons-là.
Jusqu’à présent, je n’ai jamais eu de problème à ce niveau-là. J’ai toujours trouvé ce qu’il me fallait. Une fois que j’ai écrit mes trucs, je cherche un truc qui colle à ce que j’écris. Ou sinon oui, je vais chez lui. Après, c’est vrai que le travail de défrichage est long, parce chez Sek, il y a beaucoup de samples donc on cherche, on travaille. Des fois, on ne trouve pas, des fois, on trouve et puis voilà. On bosse comme un groupe, on peut dire ça.
Et puis, pour moi, les qualités ou les points forts de Kessey, en tant que beatmaker et producteur, c’est déjà qu’il écoute de tout. Malgré ce que les gens peuvent penser, il écoute des sons actuels, des sons à l’ancienne. Il n’y a pas de barrières en termes de tendances. Ce qui est cool en tant que beatmaker chez lui, c’est que je ne me sens pas coincé dans un truc à l’ancienne ou dans un truc nouveau, ou encore dans un truc super moderne ou dans un truc super ancien. Il n’est pas hermétique à ce qui se passe à l’extérieur. Du coup, les sons qu’on fait, ça va être estampillé à l’ancienne par beaucoup de gens, mais c’est juste estampillé à l’ancienne parce que nous sommes des mecs anciens. Mais je suis sûr que certains sons, en tout cas, ne sont pas si à l’ancienne que ça. Sek a une remarquable connaissance de la rythmique et du sample. En même temps, ça fait longtemps qu’il fait ça.
En tout cas pour moi, en tant que producteur, c’est vrai que le fait qu’il ait travaillé en maison de disques, ça lui donne une vue globale, une vue d’ensemble sur la façon de faire un album, de la production des sons au mastering, au mix. Donc oui, il est vraiment carré sur tous ces trucs là. DJ Sek est un couteau suisse de la production. C’est vachement bien de bosser dans des conditions comme ça. Je sais que si je fais un morceau, il me fait le beat, on enregistre. Après, je sais que lorsque ça va passer au mix et mastering, je peux lui faire confiance. Je peux lui laisser faire le truc sans forcément avoir un oeil dessus, tout en sachant que je vais avoir un oeil dessus. Mais je pourrais très bien m’en passer.
Et quelle est ton histoire avec son label, le Label Time Bomb ?
Mon historique avec Time bomb est assez simple. Je n’ai jamais été signé chez Time Bomb. A l’époque, j’avais rencontré Sek, je lui avais passé une démo cassette. Mais entre-temps, j’ai signé chez Arsenal. Techniquement, j’étais un membre officiel du label Arsenal. En tout cas, j’étais signé chez Arsenal. Je n’ai jamais signé chez Time Bomb. Et puis, après la fin d’Arsenal pour moi, je suis revenu vers Sek, avec qui j’étais resté en contact, et avec qui j’avais fait des démos pour Arsenal. On a, alors, monté Mic-Pro ensemble avec d’autres personnes. Mais sans lien direct avec Time Bomb. On va dire que par le biais de Sek avec qui je travaille depuis pas mal de temps, je suis affilié à Time Bomb, non officiellement.
Le rap, c’est une discipline qui a des codes qui peuvent être transgressés mais une fois que la transgression est trop grande, on ne peut plus appeler cela du rap, donc c’est pour ça qu’ils appellent ça aujourd’hui, de la pop urbaine, je crois.
Si je ne me trompe, tu as été une des dernières signatures du Label Arsenal. Qu’est-ce qui s’est réellement passé et que retiens-tu de cette époque ainsi que cette expérience ?
Oui, en effet, je ne sais pas si je suis une des dernières signatures d’Arsenal. Mais en tout cas, oui, je fais partie de ceux qui ont été signés pas longtemps avant la fin du label. Qu’est-ce qui s’est passé réellement? En tout cas, de ce que j’en sais, c’était une cessation du label, je ne pourrais pas dire exactement de quoi. Moi j’ai été signé deux ans et demi ou trois ans avant la fermeture du label, ça s’est bien passé. C’était une bonne époque. J’ai appris des trucs, j’ai appris le studio avec des bandes, carrément. C’était une super époque pour moi. C’était ma première et ma seule signature. Ce sont des bons souvenirs, des bons studios. C’était la jeunesse, c’était l’effervescence du rap. C’était cool. On avait en projet de sortir un premier maxi qui n’est pas sorti et dont les morceaux, « Alors C’est ça Le Rap » et « Mon Coin De Paradis » faisaient parties, je crois. Ça ne s’est pas fait parce qu’ils ont eu leurs problèmes. Je suppose que ce sont des problèmes financiers ou de rentabilité. Je ne sais pas. On a donc récupéré les bandes, puis on a fait notre sauce.
En ce qui me concerne la première fois que je t’ai entendu c’était sur la mixtape k7, de Dj P-pet, ça remonte à 1997. Tu lâchais deux couplets, et tu avais un refrain qui disait « La vie est dure, on n’a pas toujours ce que l’on mérite, ce qui m’irrite c’est quand je vois des faux qui sortent des hits». 23 ans après, quel regard portes-tu sur ton parcours dans le HipHop ? Est-ce que tu te dis qu’il y a des choses que tu aurais fait différemment, est-ce que tu as des regrets ?
Oui, je me rappelle de cette mixtape, j’aimerais bien l’avoir. D’ailleurs, si quelqu’un peut me la fournir, ce serait cool, car je ne l’ai plus. Oui, ça fait un petit moment. Et oui, la vie est toujours dure. Elle l’est peut-être un peu plus même. On n’a pas ce qu’on mérite. Et que les faux sortent des hits, ça n’a pas trop changé dans l’absolu. Parce que pour faire des hits, il faut être prêt à sacrifier certaines choses. Moi, je n’ai jamais voulu sacrifier quoi que ce soit. Donc je ne regrette rien des choses que j’ai faites. Je les ai fait en mon âme et conscience, toujours en étant sûr de ce que je fais et en étant sincère avec ce que je fais. Pour moi, le but a toujours été de pouvoir être fier de la musique que je fais, de pouvoir la faire écouter à n’importe qui, sans rougir, sans avoir honte de quoi que ce soit à ce niveau là, je n’ai pas de regrets.
Oui, il y a des choses que j’aurais pu améliorer sur la communication par rapport aux divers projets que j’ai pu réaliser, être plus incisif sur la communication. Mais ça serait juste ça à la limite et encore, ce n’est même pas un regret. C’est un constat. Se rendre compte qu’on n’aurait pu défendre certains projets un peu plus. Mais sinon, aucun regret sur ce que j’ai fait, sur les projets que j’ai fait, les E.P.s puis l’album que j’ai fait et les albums que j’ai fait avec le groupe, non aucun regret. Vraiment! Pouvoir être fier de la musique que tu fais c’est bien, ne pas rougir dix ans ou cinq ans après, en se disant non, je n’aurais pas dû dire ça, je n’aurais pas dû faire ça… tout est assumé. Donc, pas de regret.
« Je fais notre mea Culpa, je suis l’un des leurs, je suis l’un des leurs »…. « Je fais notre mea Culpa, je suis loin des leurres, je suis loin des leurres »… Qu’est-ce qui te rend fier aujourd’hui dans le rap ? Qu’est-ce qui te fais dire, je suis content d’y avoir contribué ?
Ce qui me rend fier, c’est de voir que l’on a, en tout cas, essayé de transformer certaines choses négatives en positives. Ce qui me rend fier, c’est de voir que certains mecs ont essayé d’élever le niveau… au niveau du vocabulaire, au niveau la diction, au niveau de plein de choses. Ca me rend fier. Je suis content d’avoir un peu contribué à ça aussi, d’avoir essayé d’élever le niveau, d’avoir essayé de chercher des mots, défricher. Au niveau des producteurs. je suis fier d’avoir connu toute cette époque de beatmakers qui nous a forcé – même moi qui a fait un peu de sons aussi, à découvrir de nouvelles musiques, de nouveaux auteurs qu’on n’aurait pas forcément découvert sans le rap. Le rap nous a obligé à aller chercher dans des disques, ça nous a obligé à digger dans des samples, à aller écouter des chanteurs que l’on ne connaissait même pas pour trouver un sample. Ca t’oblige à aller écouter des choses, pour écrire un texte. Ca t’oblige à déjà réfléchir.
Je te dis ça de mon époque mais c’est vrai même aujourd’hui, quand je vois certains rappeurs, de jeunes gars, qui font notamment de la punchline, mais qui tentent d’élever le niveau d’écriture et de production. Tout cela ça me rend fier. Moi je suis content d’avoir participé à un truc qui était relativement neuf à l’époque. Alors ça, c’est un point de vue d’anciens, si tu veux. Je suis content d’avoir participé à un truc émergeant où on essayait de trouver de nouvelles formulations de phrases, d’écrire d’une certaine façon, de montrer que malgré les aprioris qu’on pouvait avoir sur nous, on savait parler, on savait écrire, on savait transcrire nos idées, tout ce qu’on avait dans la tête en belles phrases, en jeu de mots sortis de je ne sais où. Développer des choses que la variété française ne savait pas faire et ne sait toujours pas faire d’ailleurs. D’aller chercher des images super loin et avoir des doubles sens à certaines phrases, c’est vraiment génial, tout ceci, ça me rend vraiment fier et j’en suis de plus en plus fier avec le temps. J’aime ce truc ! Et je suis fier d’avoir contribué de ce côté ci en France, je suis content de ça.
Et qu’est-ce qui te désole dans le rap aujourd’hui, au point d’avoir un peu honte d’être partie prenante de cette discipline du HipHop ?
Qu’est ce qui me désole aujourd’hui ? Ce n’est pas de la désolation. Disons qu’ il y a plusieurs styles de rap aujourd’hui et il y a même des choses qu’on attribue au rap qui n’en sont plus. Sans faire le mec à l’ancienne ou le puriste… Parce que c’est n’est pas une question de ça, ce sont les faits : Le rap, c’est une discipline qui a des codes qui peuvent être transgressés mais une fois que la transgression est trop grande, on ne peut plus appeler cela du rap, donc c’est pour ça qu’ils appellent ça aujourd’hui, de la pop urbaine, je crois. Ça me désole un peu qu’on place tout dans le même panier. La Pop Urbaine, il y a des mecs qui savent très bien faire ça et qui font ça très très bien, et qui sont là pour ça d’ailleurs. Mais on est dans une autre discipline et je trouve ça dommage que l’on ne rende pas à César ce qui appartient à César.
Je trouve ça vraiment dommage aujourd’hui, par rapport au fait d’avoir une écriture léchée – je ne parle pas que pour moi, je parle même des rappeurs de la jeune génération qui écrivent super bien qu’on ne leur rendent pas hommage. Parce qu’aujourd’hui, c’est le clic qui décide. Et peu importe ce que tu as écrit, comment tu l’as écris, comment tu l’a produit. On ne va pas te donner du crédit parce que tu ne fais pas de clics. Alors que je te dis certains gars d’aujourd’hui, ont des super belles plumes, mais ce n’est pas ce qui prime. C’est le nombre de clics, peu importe la musique que tu fais. Donc ça, ça me désole un peu. qu’on ne mette pas plus à l’honneur la jolie écriture, la jolie production.
De nos jours, on met à l’honneur des trucs un peu bourrin à mon sens. Mais après, c’est une question d’époque. Mais c’est vrai aussi qu’aujourd’hui, avec le numérique, ce phénomène là est amplifié. Quand tu fais du rap, il y a certaines règles. Pour moi, la règle principale quand tu fais du rap, c’est qu’il faut faire des rimes. Or, aujourd’hui, je vois beaucoup de rappeurs (je ne sais même pas si on peut les appeler comme cela ), qui ne font plus de rimes. Ils enchaînent plein d’associations d’idées, plein de mots, mais il n’y a plus de rimes et des morceaux qui commencent où il n’y a pas de sujet, c’est de plus en plus récurrent. Donc ça me désole un peu. Mais bon, après écoute qui je suis pour avoir ce genre de jugement.
Pour moi, le but a toujours été de pouvoir être fier de la musique que je fais, de pouvoir la faire écouter à n’importe qui, sans rougir, sans avoir honte de quoi que ce soit à ce niveau-là, je n’ai pas de regrets.
« La puissance du Bic et du beat, naïvement j’y ai cru, je suis pathétique ». On te connaît d’ailleurs pour l’originalité de ton rap, de ton flow, de tes placements, ton timbre voix reconnaissable, la qualité de tes textes, truffés de références, ainsi que ta manière de parler aux dits passionnés, à tes congénères. Accordes-tu toujours la même importance aux mots comme à la rime?
Merci déjà pour la question, c’est gentil. Oui, j’accorde toujours autant d’importance aux mots, à la rime. C’est ce qui compte dans le rap. Si tu ne fais pas de rimes, ne fais pas de rap, fais autre chose. Tu fais une autre musique, un autre style, un truc un peu hybride mais ce n’est pas du rap. Le rap, c’est la rime. Ce sont les mots, trouver des belles formulations de mots, trouver des belles associations d’idées, trouver des belles images, trouver les bons mots, essayer de creuser ton champ lexical en permanence pour apporter des nouveaux trucs, essayer d’évoluer vers le haut… Toujours pour essayer de faire progresser ton vocabulaire. Ça c’est super important pour moi. Après peu importe le style de musique, le style de production, Trap, Drill, BoomBap, afro-trap, peu importe. Si c’est bien écrit et s’il y a des idées, c’est tout bon.
A quel niveau estimes-tu avoir le plus progressé depuis « Maintenant Tu Sais Qui Je Suis »?
Ce n’est pas à moi de le dire. En tout cas, si je devais le dire….Je suis plus réfléchi, les mots sont mieux pesés, moins de fioritures, plus direct. Et puis l’âge te fait penser, donc écrire différemment. Donc je pense que là dessus, j’ai progressé.
« Je m’accroche même si au bout ya keutchi » : A quoi carbures-tu aujourd’hui ? Est-ce que c’est toujours cette même envie (dont tu parlais dont « J’aimerai », titre extrait de l’album « Les Modes Passent ») qui te motive ?
Je carbure toujours à la même chose. C’est le kif. C’est le fait d’avoir toujours envie d’écrire de belles choses. Tant que j’aurai ce plaisir quand j’ai trouvé ou quand j’ai réussi à écrire un beau truc, un beau couplet, c’est un kif. C’est ça qui me fait carburer….Être fier de moi lorsque j’ai réussi à écrire un super joli truc. En tout cas à mon sens, ça me fait kiffer. C’est toujours le même truc, être content d’avoir écrit un truc que je trouve à la hauteur. Pourquoi je continue? Quand Dj Sek, quand Salim de Fréro Prod, quand Karim, quand Oliver de Just Music, quand Buddah Kriss de Just Music, quand Last Genius, quand tous ces gars là m’envoient du son et que le son est chaud, j’ai la motivation, c’est ça. Ça me fait carburer.
» Mais le HipHop, je suis l’un de ces meilleurs VRP,, un de ces plus digne héritier, c’est à moi que l’on a tout légué » ou » Moi j’adore cette musique, syncope’ cyclique, la saborder jamais, la défendre c’est mon optique ». Tu sembles faire partie des derniers gardiens du Temple. Je trouve que chez toi, faire de la musique, faire du rap, être HipHop c’est également s’inscrire dans une culture, est-ce qu’il est important pour toi de respecter cet héritage ?
Oui, pour moi, c’est important de m’inscrire dans cette culture. Après moi, comme beaucoup de gens de ma génération, on a grandi avec un truc qui arrivait où tout le monde goûtait à tout avant de se mettre à un certain truc. En tout cas, de ma génération, les mecs qui sont aujourd’hui rappeurs. Ils ont été danseurs et ils ont été producteurs, ils ont été tagueurs, pareil pour moi. J’ai essayé d’autres trucs. Oui, c’est une culture, et on a tous essayé et touché à divers aspects de la culture pour trancher définitivement sur un truc.
Pour moi, c’est important de continuer à faire vivre le truc. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de gens aujourd’hui qui ont honte du HipHop et qui n’estiment pas le truc à sa juste valeur. C’est un truc qui a donné beaucoup de choses à beaucoup de gens qui a permis à beaucoup de gens de faire des voyages et de faire des rencontres, de faire des trucs. Donc oui, C’est important de respecter tous ces aspects. Gardien du temple? Je ne sais pas, c’est peut-être un peu présomptueux. Oui, il y a des mecs qui ont construit une maison. Ils nous ont laissé des clés de la maison. On ne peut pas saccager cette dernière… Ils l’ont construit, ils ont sué sang et eau pour construire cette maison. Nous, on arrive, on met les pieds sur la table, OK. Mais on doit quand même entretenir un peu le bâtiment. C’est primordial ça aussi.
« Des Instants T » est un disque sur lequel il n’y a pas d’invités, pas de featurings. Est-ce que c’est parce que tu ne voulais pas d’autres voix sur ce disque ou est-ce dû notamment à des histoires de temps et d’agenda ?
Il n’y a pas de featurings, il n’y a pas de calcul ou de choses comme ça. C’est vrai que j’ai demandé à personne sur cet album en raison de la plupart des choses dont je parle dans cet album. Je n’avais pas envie d’imposer certains thèmes à certaines personnes ou de les appeler leur dire voilà, j’ai fait un truc là dessus. Chose que je vais faire par la suite. En tout cas, sur cet album là, je n’en ai pas ressenti l’envie. J’ai fait mon truc. J’ai écrit mes chansons chez moi. J’ai dit ce que j’avais envie de dire.
« Des lustres que cette merde ne pas gifler ». À quand remonte ta dernière claque musicale dans le rap ? Et qu’est-ce qui tourne en boucle dans tes écouteurs en ce moment ?
Dans le rap français, je ne sais pas même s’il y a beaucoup de trucs bien mais des claques, non! Dans le rap américain, oui, on va dire la dernière peut-être claque dans le rap cain-ri, ça va être, Benny The Butcher, et dans une moindre mesure, Ransom. Ce que j’écoute en ce moment? Benny The Butcher, évidemment la clique Griselda, Conway, Ransom toujours, Joel Ortiz que j’aime beaucoup, Rick Ross que je kiffe… Oui, ça va être ça. Ensuite, Claude Nougaro aussi que J’écoute beaucoup et William Sheller.
Techniquement, j’étais un membre officiel du label Arsenal. En tout cas, j’étais signé chez Arsenal. Je n’ai jamais signé chez Time Bomb.
« Ils n’écoutent qu’une chanson que si elle est clippée ». Pour l’instant en termes de clips qui mettent en images ta musique, il y a « Le Préambule », « No Homies », « Tant pis », « Coucou Bye Bye », « Sincère »… Es-tu à l’aise avec cette ère du visuel ainsi que celle du streaming dans laquelle nous nous retrouvons ? Est-ce que cela a changé ta manière de travailler et de faire de la musique ?
Oui, enfin, aujourd’hui, quand tu sors un disque, ça fait partie du jeu de présenter ou de mettre en images ta musique. Pour moi, ça, ce n’est pas un problème. Après, avec celui avec l’ère du streaming, c’est compliqué mais c’est le jeu, c’est comme ça que ça se passe aujourd’hui. Moi, je ne suis pas à même de redéfinir la façon dont ça devrait être fait. Il faut que je m’y conforme. Après, je fais un peu le mec à l’ancienne, mais un streaming de disques d’or… Bon, pour moi, ça a une valeur qui est toute relative. Un clic ou un stream soit une chanson d’une minute, juste pour l’écouter, sans même savoir. Au final, la chanson on ne l’aime pas forcément. Donc le disque d’or, le streaming, les certifications, aujourd’hui, pour moi, c’est vraiment relatif, car on y met ce qu’on veut bien y mettre quoi! Et cela n’a absolument pas changé ma manière de travailler. De façon, je ne fais pas partie des gens qui font du gros chiffre en streaming. Je ne faisais pas partie non plus des gens qui faisaient des gros chiffres en ventes de disques. Donc cela n’a strictement aucun impact sur la façon dont je fais de la musique et sur la musique que je fais.
La plupart des clips sont sombres, les ambiances sont souvent nocturnes comme si tout avait été créé la nuit donc quelle couleur donnerais-tu à cette album ?
C’est vrai que les clips sont sombres, j’ai réalisé les 5 clips moi-même. Mais c’est vrai que de manière générale, l’album est sombre aussi. Oui, comme je disais plus tôt, c’est la cohérence. J’ai l’impression que les clips sont cohérents par rapport aux chansons de l’album. De toute façon, quand j’ai fini l’album, je l’ai écouté. Je savais que ce n’était pas très gai. On en rigolait avec Sek. Je lui disais : “Putain, c’est un suicide commercial”. Mais bon, c’est comme ça que je l’ai senti. C’est comme ça que je l’ai fait. Et puis, les clips sont à l’image des chansons. Je pense que c’est cool.
«J’aime convertir mon vulgaire quotidien en petites satires », ou encore « Merde les old-timers n’ont d’humour ». Au final quelle humeur domine ce disque ?
Au final, il n’y a pas une humeur sur ce disque là puisque ce sont « Des Instants T ». C’est pour ça que je l’ai appelé comme ça. Même si au début, je ne comptais pas lui donner ce titre mais quand l’album a été fini ou en tout cas, était presque terminée, je me suis rendu compte que c’étaient des instants T, des strates de vie. Il y a des moments où tu as envie de parler de baskets et de fringues et de choses un peu futiles. Il y a des moments où tu as envie de parler de la terre quand tu te rends compte qu’elle part en coquille. Il y a des moments où tu as envie de parler du rap donc je livre mon avis personnel sur le rap. Et puis il y a des tracks où je parle de la vie. La vraie vie, le quotidien des gens de manière globale, mon quotidien aussi à moi donc. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait une humeur, il y a une couleur qui est assez sombre sur l’ensemble du truc puis différentes humeurs.
« Le Pouvoir d’achat, un mythe tu sais lorsque l’on te ment », « On ne peut plus serrer la ceinture quand il n’y a plus de cran ». Il y a des titres comme « Pression » ou encore « Pauvre Monde » qui sentent l’urgence. Qu’est-ce que le contexte politique et social actuel t’inspire ?
Alors, le contexte politique et social actuel est vraiment fou. Ça ne m’inspire que du négatif au niveau politique mais aussi au niveau social et environnemental, alors que j’ai un petit garçon, et essaie d’être positif. On doit faire avec.
J’essaie de ne pas me laisser bouffer par l’ambiance générale. On vit une époque vraiment étrange. C’est dur de se rendre compte si à d’autres époques, il y a eu des périodes aussi dingues. Moi je peux me baser que sur ce que je connais. C’est une époque super super triste alors forcément, elle déteint sur ma musique. Cependant j’essaie de me détacher de tout ça en essayant de rester frais.
Qu’est-ce qui te sidère le plus également dans ce même contexte, dans ce cycle de crise ?
Des choses qui me sidèrent ? Il y en a tellement que je ne pourrais même pas toutes les décrire. C’est une époque un peu dégueulasse, mais il faudrait que j’aie une machine à remonter dans le temps pour pouvoir voir si, à d’autres époques, ce n’était pas aussi dégueulasse. Parce qu’on voit les choses par notre prisme temporel à nous, on est là aujourd’hui. Est-ce qu’il y a 50 ans, ce n’était pas aussi dégueulasse ? Il y a des gens qui vont me dire non. Hier, c’était la belle époque, mais je ne sais pas si c’est tellement vrai.
J’ai tendance à croire que l’homme, l’être humain avec un grand H, est quand même mauvais. Après les choses, on les voit que par le prisme des médias. Je dis bien peut-être que notre vision est un peu biaisée aussi. Si jamais on nous montrait des choses positives, peut être que nos réactions collectives seraient peut-être un peu plus positives. Long débat, mais de manière générale. Oui ! on vit une période bizarre quand même.
« Télérama ne chroniquera pas ce disque, Nova n’ajoutera pas ce track à sa Playlist, Génération trouvera l’ensemble trop triste, pour Les Inrocks pas assez élitiste. » Aujourd’hui pour toucher davantage de monde faut-il passer forcément par ces canaux qui, pour une bonne partie, crachait sur le rap et sa culture ?
Non, on n’est pas forcé d’utiliser ces canaux. Il y a beaucoup de gens qui arrivent à s’en passer. Si tu peux t’en passer, le travail est d’autant plus conséquent parce que tu dois vraiment faire un travail de fourmi. C’est vrai que quand on a des médias comme ça, comme Les Inrocks ou comme Nova ou des choses comme ça, tout de suite, ta musique est mise en avant, et cela donne une exposition plus rapide. Mais c’est vrai aussi qu’il y a plein de gens indépendants qui arrivent à faire leur carrière sans ça. Cette phrase là est une petite pique, pas méchante. Et c’est vrai aussi qu’il y a pas mal de ces médias qui n’ont pas fait la part belle au rap et à sa culture jusqu’à présent. Puis maintenant, ils se sont adaptés, voyant le vent tourner, voyant la demande par rapport à cette musique, j’allais dire à cette culture, mais non, on ne parle pas de culture là, on parle de rap. Après, j’ai coutume de dire que quand tu rentres dans un jeu, tu dois en accepter les règles, sinon tu ne rentres pas dans le jeu. Puisque tu connais déjà les règles, donc ça fait partie du jeu.
Tu proposes peut-être un rap de » niche » mais de qualité notamment avec ce nouvel opus. Cependant on peut se demander tout même, pourquoi si peu de promo ?
Déjà, merci si l’album vous plaît. Alors la promo, j’ai essayé d’en faire. J’ai envoyé l’album à différents médias «rap». Beaucoup n’ont pas joué le jeu. Alors, quand je dis qu’ils n’ont pas joué le jeu, ce n’est pas parce que tu envoies un album à quelqu’un qu’il est obligé de le chroniquer ou en dire du bien. Donc ça, c’est important. J’envoie mon truc. Tu peux ne pas l’aimer. Tu peux ne pas le chroniquer. Mais la moindre des choses, je sais qu’on va me dire que beaucoup de ces journalistes ont beaucoup de choses à faire et ils ont beaucoup d’artistes, beaucoup de musique à écouter, beaucoup d’artistes à chroniquer, mais quand certains de ces médias rap ne prennent même pas le temps de télécharger un lien que tu leur envoies… C’est un peu particulier. Donc de la promo, j’ai essayé et j’ai fait. Je tiens à remercier aussi ceux qui ont joué le jeu: Underground Explorer, Dj Fab, Vous, Relaxe C’est Que Du Rap et Sear de Get Busy. Je les remercie parce qu’ils ont joué le jeu. Il y en a beaucoup qui n’ont pas joué le jeu, qui n’ont pas daigné répondre à mes sollicitations, il y a ceux qui ont répondu, mais qui n’ont pas téléchargé les fichiers. Donc, je peux comprendre. Ils ont leur petite carrière à mener et je suppose qu’ils doivent recevoir beaucoup de musiques, beaucoup de fichiers, mais bon. Ceci explique cela. J’ai essayé de faire au maximum. J’ai fait 5 clips que j’ai réalisés moi-même.
J’ai essayé de les promouvoir au mieux, avec le peu de moyens que j’avais, avec le peu de canaux que j’avais aussi. Pour promouvoir ma musique, au jour d’aujourd’hui, j’ai Instagram, Facebook et Twitter. Après, c’est vrai que je n’ai pas le réseau de certains artistes ou de certaines grosses structures. Ça a été une promotion à grandeur d’homme. C’est moi et Kessey contre le monde, c’est International Pro Low Club et Time Bomb contre le monde. On a fait ce qu’on a pu avec nos petits bras.
Je cherche juste à faire un album que je puisse écouter plus tard, en étant fier de ce que j’ai fait et en pouvant le faire écouter à d’autres gens, en ne regrettant pas ce que j’ai fait. Un album pas daté par le temps ou pas daté par une époque ou par une tendance, faire un joli album sincère.
Quelle est l’ambition de ce Long Format ? Ce disque a-t-il un objectif particulier ?
Alors l’ambition, c’était de faire un beau disque. C’était, comme je le disais auparavant, de raconter de vraies histoires, de dire de vraies choses, à mon sens en tout cas, c’était ça. C’était ça, l’ambition. Pour moi, c’était un point final à quelque chose. Entre temps, j’ai changé d’avis. Je n’ai pas d’objectif, c’était vraiment de faire un beau disque avec Sek, avec Mathématik Beats, avec Just Music avec Fréro Prod et malgré le manque de promo, j’ose espérer que c’est un beau disque et que ça restera un beau disque dans le temps. Et j’espère, en tout cas, qu’il ne sera pas marqué par une époque. Que l’on ne dise pas c’était l’époque si, c’était l’époque Boom Bap, etc. Non, juste un beau disque de rap
Quels sont les projets à venir du côté de Mathématik Beats et Mic-Pro ?
Pour Mathématik Beats, Dj Sek & Time Bomb, Je pense qu’il y a pas mal de trucs qui se font, des albums en préparation, notamment pour Hasheem mais aussi divers projets sur lesquels Dj Sek bosse. Concernant Mic-Pro, il n’y aura pas d’autre album. Je ne pense pas. Parce qu’entre les membres qui ne sont plus en France et ceux qui sont dans une autre discipline, je pense que l’on n’aura pas tous forcément le temps de se revoir dans un studio pour faire des morceaux. Pour autant, on se parle tout le temps, on est tout le temps en train de rigoler ensemble. Après, on ne sait jamais, mais je ne pense pas. Me concernant, différents projets, différents EPs de prévus et, on espère, de qualité. Des choses bien faites, avec du vrai contenu et une vraie réflexion derrière.
Y-a-t-il un mot de la fin ?
Merci, à tous ceux qui ont participé à « Des instants T », Dj Sek, Karim, Salim, Fréro Prod. Oliver, Buddhah Kriss Just Music et Miloud pour le mix, Stéphanie pour la cover. Dj Nels pour les scratchs sur un morceau, Oscar pour le coup de main aussi. Merci aux gens qui ont participé à l’album. Merci aux gens qu’ils l’ont aimé, qui l’ont partagé. Vraiment, merci à eux, parce que si tu fais un album et qu’il n’y a pas des gens pour l’écouter, c’est un album dans le vent. Merci à eux!