Foudealer, rappeur roubaisien, affine ses armes depuis 1991. Alors qu’il s’apprête à sortir son premier street album, « Avant goût ». La Voix du HipHop l’a rencontré. Présentation.
Quand as-tu commencé à rapper ?
Je suis dans le mouvement depuis 1991. Je travaille dans l’ombre. J’avance doucement mais sûrement, « à l’arbalète » comme on dit chez nous. Dernièrement, vous avez pu me retrouver sur un morceau avec Les Grandes Gueules de Sète pour leur mixtape «On ne peut pas plaire à tout le monde, deuxième exécution ». J’apparais aussi sur les «Voix sans issues » de Mkash, « Street Squed vol.1 » de Karo, la nettape «De l »ombre on passe à lumière », « Made in Roubaix », « 59 inédits », et puis il y a eu « Explishit Lyrics », un titre que l’on peut définir comme l’hymne nationale de Roubaix. J’ai fait de nombreux featurings et en ce moment je taffe en solo sur mon street album qui s’intitulera « Avant goût ».
Comment le HipHop était dans ta ville à tes débuts ?
Comme je le dis dans un de mes textes « Départ en nombre pour arriver en unité, pour le cash comme des oiseaux en cage avant la puberté». Ils étaient tous motivés, certains très doués dans leur domaine, on pensait même les voir briller un jour, le HipHop était partout, beaucoup y croyaient et ont fait ça toute leur jeunesse sans jamais rien avoir, aucune ouverture malgré les persévérances comme si on avait mis un voile sur le Nord. Après le temps a fait qu’ils ont lâché ou dû lâcher l’affaire pour la plupart, d’autres continuent à transmettre cette passion sous différentes manières à la nouvelle génération par exemple.
Comment cela se fait-il que tu n’émerges que maintenant ?
Parce que le parcours a été dur, parsemé d’embûches et d’obstacles et il a fallu les surmonter. Entre deux, on fait sa vie, je ne pouvais pas être partout en même temps. Mais ce qui est sûr c’est que je suis à fond dans ce que je fais, et que depuis 1991, je ne me suis pas découragé, je ne lâche rien.
Puis, j’ai fait connaissance avec Anouar lors de la rencontre avec MCJeanGab’1, de là il y a eu des liens qui se sont formés avec notamment le Call 911 et ça m’a permis de participer à « Explishit Lyrics ». Suite à mon apparition sur cette mixtape on a commencé à entendre parler de moi par le bouche à oreilles. Il y a eu une sorte d’impact par rapport à la musique. Parce que même si on parle beaucoup de Roubaix, il n’en demeure pas moins qu’il n’y a que peu de représentants, malgré le nombre de ceux qui bossent dans l’ombre. Comme j’ai l’habitude de dire « Roubaix a fait un rêve, c’est moi qui vais le réaliser, du moins je l’espère.
Sur « Explishit Lyrics » d’ailleurs, tu avais une rime qui disait « pour ma ville je veille, j »essaie de crier, malgré que dans le Nord même si tu es fort tu ne peux pas briller ». As-tu encore le même point de vue à ce sujet ?
En utilisant le mot ‘malgré’, je veux dire qu’on vise le haut, c’est à dire qu’on essaie de tout faire pour pouvoir briller, et si on ne brille pas, cela voudra dire que l’on n’a pas voulu de nous. On tente le tout pour le tout donc soit ça passe, soit ça casse.
Qu’est-ce qui manque à la région ou plutôt qu’est-ce qui manque aux artistes de la région pour briller selon toi?
Le naturel, déjà. Parce qu’aujourd’hui la plupart se contentent de suivre une tendance, ça pompe des styles ou ça se copie les uns les autres. C’est ça qui nous amène à un manque d’identité artistique. Alors que pour se démarquer justement, il faut rester soi-même.
Quel est ton point de vue sur l’évolution du rap dans l’hexagone ?
Je pense qu’on nous a arraché l’image du HipHop et du rap traditionnel en nous présentant des groupes tels que les Fatal Bazooka, etc… Pour moi, le rap c’est un moyen d’expression, de revendication, de relater notre quotidien. Aujourd’hui, nous avons l’impression que le rap a perdu ses passionnés, il y en a plus que pour l’aspect financier que pour l’aspect artistique…
Tu as eu l’occasion de participer à divers projets (compilations, nettapes, mixtapes), que tires-tu de toutes ces collaborations, au niveau expérience ?
Si une collaboration a lieu, c’est parce que je pense qu’elle pourra m’apporter quelque chose de nouveau. Ces collaborations m’ont aidé à développer ma vision du rap, m’ouvrir vers d’autres univers, me rendre compte que dans chaque endroit persiste une flamme éternelle susceptible de brûler la fausse image que d’autres font véhiculer. Cela enrichit mes expériences et me donne encore plus envie de percuter les beats.
Tu roules avec un collectif La Pir’espèce, peux-tu nous donner plus de précision sur ton équipe ?
A la base La Pir’espèce était un collectif (fondé par Karim, un ancien) qui regroupait beaucoup de monde, beaucoup de groupes, des mcs qui, entre les désillusions, la réalité et les périodes creuses, ont finalement tous abandonné. Et ce sont ceux qui ont construit qui nous ont donné l’envie d’évoluer dans le rap notamment, de continuer à gratter des textes et revendiquer. Donc j’ai cherché à reprendre en main La pir’espèce et monter mon équipe : il y a toujours Me2SS, mon frère (le président de l’association), Convoyeur 2 sons, Ahmed (le trésorier de l’association qui s’occupe aussi de notre communication), Mouss l’ingé, Sad, The One, Anonyme, et puis quelques mcs qui taffent très rigoureusement et dont on espère qu’ils assureront la relève d’ici quelques temps… Sans une équipe solide qui en veut tu ne peux faire grand chose, ni aller loin.
Le terme « représenter »avait-il plus de sens qu’à l’heure actuelle ?
Actuellement le terme « représenter » a de l’importance seulement pour les puristes qui persistent, et non pour les autres qui désirent juste se montrer, sans chercher réellement à représenter…
Qu’est ce que tu aimes dans le rap?
J’aime m’amuser avec les mots, rimer, user des métaphores, trouver des phases, me retourner la tête à faire un emboîtement qui tient la route… En ce moment je bosse avec Dj Veekash. Il me fait mes productions, quand il me donne une vierge, je me dois de la combler et lorsqu’elle est finie, je trouve ça fort,le fait de pouvoir la maîtriser, la répéter en testant différents flows.
Quelles sont tes influences ?
La misère, la galère qui sont des choses qui forgent et qui font que tu as la volonté de t’en sortir et de faire en sorte que les autres y arrivent… Mais il y a également les groupes qui ont marqué le rap français…il y en a quand même, à l’époque il y a eu Lionel D, EJM, Démocrates D, à l’heure actuelle j’aime bien ce qui se fait dans le 18ème avec la Scred Connexion par exemple. Pour mes textes, je m’inspire essentiellement de mon vécu, de mon quotidien, de mon regard sur l’extérieur. Lorsque je choisis un thème, c’est parce que je sais de quoi je parle. Chaque phrase posée est réfléchie et justifiable…
En ce moment tu prépares un projet solo, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Je prépare un street album de 20 tracks sur lequel on pourra retrouver tous les morceaux que j’ai déjà sorti, un récapitulatif de mon parcours pour me présenter et pour ceux qui ne me connaissent pas, un medley de mes featurings, 8 inédits dont 4 avec featuring, le tout mixé par Dj Veekash… En espérant que tout ceci porte ses fruits, sincèrement je souhaiterais faire exister Roubaix, la métropole lilloise, ouvrir le Nord et le placer sur la carte rapologique hexagonale.