Danse, musique, vidéo, Loan est une artiste éclectique qui explore différents territoires musicaux et culturels. Elle s’est entretenue avec la Voix du HipHop sur ses projets, sa vision et sa manière de travailler.
Qui es-tu et peux-tu nous parler de ton parcours dans la musique, la danse et la vidéo?
J’expérimente de la matière sonore et visuelle, en rapport avec le mouvement, la danse et la transe. J’évolue dans le paysage musical depuis plus d’une quinzaine d’années. J’ai sorti plusieurs EPs, un 1er album en 2009. Je collabore souvent avec d’autres artistes pour apporter ma touche, tant au niveau des arrangements que des remixes. Le travail de video et de danse est venu plus tard, depuis 3 ans maintenant.
Personnellement je viens de découvrir ton univers, par le biais de » In Space Time « , un album composé de 8 titres. C’est d’ailleurs ton actualité, peux-tu nous en dire un peu plus. Combien de temps pour la réalisation de ce projet ? Et dans quel état d’esprit as-tu réalisé ce projet ?
Ce projet a démarré il y a 2 ans. A la base, c’est la collaboration avec le RAF crew et Kaori Ito (danseurs et chorégraphes) qui m’a donnée envie de me lancer dans ce projet de court-métrage. J’imagine un monde, avec ses couleurs et ses formes, adapté à l’univers des danseurs. J’écris donc l’histoire, je compose la musique sur mesure (inclus dans l’album). Et ensuite, avec Jeremy Frey, réalisateur, nous adaptons le scénario et lançons la réalisation du court-métrage. Les autres tracks de l’album ont été composés en parallèle.
Ce disque nous plonge vraiment dans un univers musical chargé d’ambiances, l’habillage sonore est riche, les sonorités se mêlent entre Bass music, HipHop, Breakbeat, Electro, Grime vraiment différentes vibrations dans un même espace temps ….ce qui me pousse à te demander, quelles ont été tes influences, si influences il y a eu, durant la réalisation de » In Space Time » et même quelles sont tes influences en général ? Est-ce que tu t-es donnée une ligne directrice pour ce 8 titres ?
J’avais envie de rendre hommage à la culture HipHop telle qu’elle me nourrit depuis mon enfance. C’est pourquoi je me suis orientée vers un court-métrage avec de la danse HipHop et des featurings où j’invitais des MC’s de la scène HipHop UK et US. Une fois que le cadre fut posé, cela m’a permis de composer une musique tout aussi libre, mais avec un objectif clair et distinct. Cela me permet aussi de ne pas me disperser car je suis tout aussi bien capable de faire de la tekno, du dub, du tribal…. J’ai grandi en Afrique de l’Ouest, où les danses tribales, de transe, m’ont toujours fascinées. J’imagine que cela influence aussi ma musique…. Je recherche toujours ce voyage, ce cheminement introspectif, illustré par du sound design pour appuyer le propos, qui t’amène à te libérer de nos schémas de pensées verrouillés pour se libérer vers un état de transe.
Comment travailles-tu ta musique, as-tu une recette ou une méthode particulière ? puis quelle ou quelles sont tes machines (ou outils) de création ?
Je n’ai pas eu de formation “classique” de musique. J’ai tout appris en autodidacte, avec – au départ – des machines (boites à rythme, synthés, sampleurs, effets etc). Aujourd’hui, la MAO permet d’aller encore plus loin dans le processus de production. Je n’ai donc pas de recettes ou méthode particulières. Je laisse toujours venir l’inspiration, une mélodie en tête, une tournure rythmique, peu importe, peuvent être le déclencheur.
J’ai le studio le plus basique du monde : ça se résume à la même carte son depuis 15 ans (une RME), un laptop, quelques controleurs et clavier midi, des bonnes écoutes, un bon casque. Cela me suffit amplement.
Y-a-t-il un ou plusieurs titres sur lequel ou lesquels, la réalisation (écriture, rap, beat, création, prise de voix, mixage…) été plus longue que les autres et pourquoi?
A vrai dire non… J’avais une idée très précise de ce que je voulais faire avant de commencer cet album, ce qui m’a permis d’aller rapidement à l’essentiel. Le travail avec les featurings a été un peu plus long de fait, car il faut faire plusieurs allers/retours avant de tenir la bonne version qui convient à tous. Par contre, il y a un track que j’ai composé en une nuit, «Ritual Beats», qui est un hommage au poète et chanteur the Space Ape. Il devait participer à mon album, malheureusement, il nous a quitté quelques semaines avant la finalisation de notre track. Lorsque j’ai appris la nouvelle, j’ai été très touchée, et ce fut une nécessité, une urgence que de m’enfermer dans mon studio et laisser s’exprimer toutes les émotions que je ressentais.
Dans ce disque il y a également des invités prestigieux tels que les membres d’Antipop Consortium, Juice Aleem également Bang On ainsi que Guillaume Perret et Clozee… Comment s’est effectué le choix des invités et qu’est-ce qu’ils sont sensés apporter au disque selon toi ?
Comme je le disais précédemment, ce disque est un hommage à mes influences dans la culture HipHop et grime. Le choix de ces MCs fut une évidence, j’adore ce qu’ils font ! Une collaboration avec Antipop Consortium, pour moi, c’était un rêve de gamine que je réalisais. Ils ont toujours représenté le côté “experimental” et précurseur. Bang On, depuis que j’écoute ce qu’il fait, j’ai toujours voulu essayer un track HipHop clubbing avec lui. Son flow, son style, sa fougue, tout ceci s’y prêtait bien. Et Juice Aleem…. comment dire… Je l’ai connu en tant qu’auditrice fervente, ensuite en tant que personne. On a tout de suite accroché tous les deux, je l’ai invité pour une date en partant sur une impro, le set qu’on a fait était totalement… voodoo et magnétique. Pour moi, c’est celui qui colle au mieux à l’idée que je me fais de la musique, de ce que j’ai envie d’explorer. Il est à l’écoute, il sait se mettre au service de la musique, il est capable de passer par toutes mes phases break, dub, hip-hop, tekno, sans jamais vaciller…. C’est une chance que de pouvoir trouver une perle rare comme ça !
Quant à Clozee, c’est une jeune artiste archi talenteuse, que j’ai rencontrée grâce à la même passion qui nous anime : la danse. Elle compose de la musique pour un crew de vidéastes qui réalise de nombreuses vidéos de danse (Ocke Films). Je l’ai donc invitée à participer au court-métrage “quagma” puisque je savais d’avance qu’elle serait enthousiaste à le faire. Et puis marier, fusionner les univers artistiques, quand ça marche, c’est toujours plus riche, palpitant et intéressant.
Guillaume Perret, je le connais depuis quelques années, c’est un saxophoniste de jazz hyper doué, très ouvert et éclectique. Un jour, pendant que je bossais sur le track “Deep Journey”, il est passé au studio. Je lui ai demandé si il pouvait poser quelques notes dessus, ça s’est fait, et cela a apporté une dimension encore plus vaste à ce track. De plus, c’est un peu grâce à lui que j’ai pu rencontré Kaori Ito (qui danse sur ce morceau dans le court-métrage). Ainsi, la boucle était bouclée !
On a réellement des productions qui laissent libre à l’interprétation aussi bien sonore que visuelle, est-ce véritablement voulu puis quelle importance accordes-tu à l’image ?
Tout ceci est très subjectif et onirique. Je ne cherche pas à transmettre un message clair et défini. La seule chose que je recherche, c’est embarquer le public dans un monde personnel, profond, où l’image et le son alimentent un rêve éveillé. Après, chacun est libre de l’interpréter comme il veut. Effectivement, apporter de l’image à tout ce travail m’aide à construire cette histoire, mais le but premier, c’est de montrer comment la danse peut s’approprier ma musique et vice-versa. Qui nourrit qui? Le musicien ne doit-il pas être danseur aussi quelque part pour composer? Et le danseur, à l’inverse aussi également ?
Te sens-tu proches d’une école particulière notamment dont la manière de composer, créer, produire? Quoiqu’il soit le rendu de ta musique parle également aux danseurs et danseurs…
Pas vraiment, je n’en sais rien… Je viens du milieu “underground” où justement, il n’y a aucune règle à respecter, aucune famille musicale, aucun code. Liberté, indépendance… C’est important pour moi de n’avoir aucune étiquette, aucune appartenance pour pouvoir aller là où j’ai envie, artistiquement. Je pense que n’importe quelle musique est capable de parler à un danseur, tant que celle-ci résonne en lui grâce aux émotions qu’elle lui procure, les images qu’elle lui inspire.
En 3 adjectifs, comment définirais-tu ta musique ?
Magnétique, Obscure, Libre.
S’il fallait donner une couleur à ta musique, tu opterais pour quelle couleur et pourquoi ?
Difficile de n’en choisir qu’une…. je dirais le noir car il est l’absence ou la somme de toutes les couleurs. Le Noir est aussi un symbole de lumière divine par excellence (chez les Soufi): la couleur absolue, au bout du cheminement… chaque autre couleur est une marche, c’est le moment d’extase qui éblouit le mystique.
Qu’est-qui tourne en boucle dans tes écouteurs en ce moment ?
La bande originale de la série Utopia, de Cristobal Tapia de Veer : Une merveille.
Le mot de la fin ?
J’aimerais remercier du fond du cœur les personnes qui me soutiennent, mes ami(e)s, ma famille, et mon public, les personnes qui me font confiance et m’accompagnent dans mes projets : Musiciens, danseurs, vidéastes, graphistes, et plus particulièrement le label IOT records qui depuis des années continue de me supporter dans mes projets kamikazes. Il faut absolument soutenir la diversité musicale et supporter les labels indépendants, et ainsi défendre une cause qui nourrit notre imaginaire et notre esprit!