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La récupération du pouvoir de notre voix

La récupération du pouvoir de notre voix

Avant-propos du livre « Tout n’est pas si facile (Conversations HipHop Vol. 1) », réalisé et édité par la Voix du Hiphop.

Il y a des termes et des expressions que nous n’entendons plus comme represent, sellouts, sucker, keep it real. En anglais, comme en français d’ailleurs. C’est un signe qui ne trompe pas sur la tournure que le HipHop a pris au cours de ces vingt dernières années. Des personnes et organisations qui n’ont rien à voir avec la culture HipHop se permettent de dicter ce qui est HipHop et ce qui ne l’est pas, ce qui est bien pour le HipHop et ce qui ne l’est pas, ce qui est possible ou pas de dire ou de faire. Que s’est-il passé? Nous avons, collectivement, perdu le contrôle de la direction de notre culture.

Cette perte de contrôle est venue, petit à petit, quand nous avons cédé notre savoir-faire (et savoir-être), qui s’est retrouvé confisqué par des gens qui n’y connaissaient rien. Nous avons cédé notre savoir-faire quand nous avons permis aux médias qui nous méprisaient de venir raconter notre histoire, à notre place (parce qu’ils nous donnaient soi-disant une plus grande exposition), nous avons cédé notre savoir-faire quand nous avons commencé à prendre comme instrument de mesure de nos art et culture, les récompenses d’une industrie et d’un marché qui ne nous considéraient pas pour ce que nous voulions être.

Nous avons cédé notre savoir-faire quand nous avons confié la responsabilité à des managers, tourneurs, producteurs, venus de nulle part et de partout, d’organiser nos rencontres au prétexte qu’ils étaient plus professionnels. Nous avons cédé notre savoir-faire quand nous avons estimé que les institutions pouvaient aider notre culture à grandir et qu’il fallait par conséquence leur confier la manière dont nous la développions.

Que les choses soient claires

Ces institutions, ces médias, ces industries, ces professionnels ont, petit à petit, commencé à faire ce qu’ils savent faire de mieux, codifier, normer notre culture, en fonction de leurs intérêts. Et certains acteurs de la culture HipHop ont applaudi alors que l’essence même du HipHop, c’est justement défier la norme. Voilà, comment nous avons perdu le contrôle de notre culture.

Que les choses soient claires. Le HipHop n’est pas mort. Le HipHop qui se retrouve dans les mains de la culture dominante, ce n’est pas le HipHop tel que nous le concevons, de toute façon. C’est une contrefaçon. Un artefact. Une autre chose. Et cette autre chose est effectivement à l’agonie. Le HipHop, tel que nous le concevons, n’est pas mort. Tout simplement, parce qu’il n’est jamais né en fin de compte. Le HipHop, fruit de l’expérience de la jeunesse noire aux Etats-Unis, a émergé.

Que les choses soient claires. Chacun est libre d’interpréter, d’apprécier, et de vivre le HipHop à sa manière. Mais, il est important de rappeler que le HipHop est une culture. C’est un ensemble de codes, d’expériences, de connaissances, de manière de penser et de voir le monde qui se transmet par le biais de la musique, de la danse, du graffiti, des écrits, des discours, du style, principalement. Ce n’est pas un objet avec lequel on s’amuse un moment et qu’on jette après. Le HipHop est un peu comme une torche qui se transmet à travers le temps et les zones géographiques. La torche n’est pas perdue, elle est toujours là, il faut juste aller la chercher et la mériter.

Que les choses soient claires. Il ne s’agit pas de mélancolie. Nous savons, pour certains d’entre nous, ce qu’est le HipHop. Nous avons, même, en mémoire ce qu’est le HipHop. Nous connaissons la culture, au-delà de la musique. L’essence du HipHop est toujours là, bien présente. Cette essence, c’est la rébellion contre le statu quo.

L’ambition de Conversations HipHop

Oui. Le HipHop n’est pas quelque chose de tangible, de saisissable. C’est un état d’esprit, c’est une culture. Il est en chacun de nous, enfin ceux qui sont HipHop. Et tant que nous sommes là, tant que nous serons animés par l’esprit HipHop, tant que nous serons soucieux de la culture HipHop, le HipHop sera là. C’est justement, et la raison d’être et l’ambition de Conversations HipHop.

Conversations HipHop est une série de livres d’entretiens qui mettent en évidence la diversité des expériences, des points de vue et des personnalités du HipHop, mais aussi la multiplicité et la convergence des aspirations, des visions et initiatives liées à cette culture. Il s’agit, à travers ce projet, d’explorer et exposer ce que signifie être HipHop et vivre le HipHop, hier, aujourd’hui, et demain.

Parce que nous estimons que nous devons constamment nous interroger sur les valeurs que nous prétendons défendre et promouvoir. Nous sommes convaincus que, dans le HipHop, nous devons constamment nous interroger sur le modèle de société que nous voulons voir émerger, sur notre responsabilité en tant que citoyens, sur la portée de nos mots et actions, sur la société dans laquelle nous vivons, sur l’Etat, sur la police, sur la justice, sur l’environnement socio-économique.

Et nous devons le faire avec nos termes à nous. Et nous devons l’affirmer quand bon nous le semble. C’est cela, le HipHop. C’est la récupération du pouvoir de notre voix.

 

Extrait du livre « Tout n’est pas si facile (Conversations HipHop Vol. 1) », réalisé et édité par La Voix du HipHop.

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