« Le break, c’est un équilibre, ça fait partie de moi, c’est ma vie, ma passion et mon travail, ça fait 12 ans que j’en vis ». Romss est danseur, interprète et chorégraphe. Il est membre du groupe RAF Crew.
Peux-tu nous faire un rappel de ton parcours ?
J’ai commencé la danse en 1996, par le b-boying, le break. Je suis rentré en compagnie en 2000 et j’ai dansé pendant trois ans pour Farid Berki (Melting Spot) puis je suis devenu son assistant.
En 2003, j’ai participé à un documentaire, « on n’est pas des marques de vélos » deJean-Pierre Thorn.
Puis toujours dans l’esprit du break, je suis parti à Los Angeles pendant deux mois et demi, j’y ai découvert « la danse debout ». En rentrant sur Lille, je me suis rendu compte que cette danse n’était pas assez développée alors j’ai décidé de descendre sur Paris pour me former.
A Paris, j’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes qui m’ont permis d’exercer diverses activités. J’ai pu faire de la publicité, j’ai joué dans le film « Dans tes rêves » de Denis Thybaud avec Disiz La Peste, Bruce, tous les danseurs de Hurricane, Rodolphe… Puis j’ai enchaîné pleins de trucs télé et entraînements.
J’ai ensuite rejoint la compagnie ‘Franck II Louise’, où j’ai participé à la dernière création, Konnecting Soul. Puis, j’ai passé une audition afin d’intégrer la Compagnie Pietragalla et j’ai eu la chance d’être sélectionné pour partir avec eux faire les jeux olympiques, et une tournée internationale.
Et enfin à côté de cela, je donne des petits stages, fais des jury, des battles (j’ai perdu l’an passé en finale expérimentale), je compte me représenter cette année et on verra bien. Mon but, c’est de kiffer.
Qu’est-ce qui t’as donné envie d’exploiter cette discipline, ce mode d’expression du HipHop?
J’ai commencé par tagger et graffer, cela m’a apporté quelques soucis avec les autorités. J’ai donc voulu kiffer autrement le HipHop sans trop me prendre la tête. J’ai testé le rap, ce n’était pas mon délire et n’étant pas quelqu’un de très bavard, je me suis exprimé avec le corps. Et j’ai tout de suite kiffé le break, c’est devenu mon moyen d’expression, mon truc, un besoin. Le break, c’est un équilibre, ça fait partie de moi, c’est ma vie, ma passion et mon travail, ça fait 12 ans que j’en vis.
Est-ce évident de pouvoir en vivre à l’heure actuelle?
Franchement, non! Il y a dix ans c’était bien, il y cinq ans un peu moins bien, mais aujourd’hui c’est devenu vraiment difficile parce qu’il y a trop de monde. Mais aussi parce que tout le système autour de l’intermittence est en train d’être épuré depuis deux, trois ans.
Donc il faut vraiment tourner si l’on veut en vivre, d’en vivre bien ce n’est pas le plus facile. Mais bon, mon but n’est pas d’être riche, c’est de danser le plus longtemps possible, kiffer et de faire kiffer les gens.
Est-ce qu’il y a eu un élément moteur, ou un acteur de cette discipline qui t’a boosté davantage dans cette culture?
De ma génération, les premiers danseurs qui m’ont fait bloqué, ce sont les mecs tels que Storm, Poppin, Mr Wiggles. En break, c’était le Rock Steady Crew… Mais mon but n’était pas de devenir professionnel, et d’en faire mon gagne-pain. Moi, ça m’est tombé dessus comme ça un peu par hasard. Mais je crois que ceux qui m’ont boosté le plus ceux n’étaient pas les anciens. C’était peut-être plus la génération en dessous, la mienne, ceux qui me regardaient danser, je voyais dans leur yeux comme un émerveillement et c’est ce qui a continué a me booster. Et depuis que l’on fait le ‘Juste debout’ à Lille (trois ans), la danse debout a explosé. Avant les danseurs de B-boying étaient majoritaires, aujourd’hui la danse debout gagne du terrain, ça danse aujourd’hui!
Comment expliques tu que l’on a tendance à investir davantage dans le break que dans la danse debout ?
C’est le côté tape à l’oeil, puissance, le côté dur de l’acrobatie, bien que le debout soit beaucoup plus difficile que le sol car il se définit comme un groove intérieur, une culture, des appuis. Ca demande un autre travail, ce n’est pas inné chez tout le monde de pouvoir danser debout.
Penses-tu que dans la région il y a un potentiel intéressant pour le développement de cette danse?
Oui, il y a un potentiel immense pour les jeunes dans la région mais le problème, c’est qu’ils ne sont pas suivis.
Je suis parti cinq ans mais je reviens, je ramène des choses et j’essaie de transmettre, de donner aux jeunes. Aujourd’hui je tente de construire des choses. J’ai 30 ans, je pense avoir eu assez de félicitations et de reconnaissance pour pouvoir maintenant donner aux jeunes. Mais quoi qu’il se passe, je danserai toujours.
Comment as-tu réussi à organiser un évènement tel que le Juste Debout sur lille? Quelles en étaient les difficultés rencontrées?
J’ai pas mal bossé avec Bruce, le patron du Juste Debout à Paris. Ce dernier a vu que j’organisais des stages, quelques évènements à mon échelle sur Lille et un jour il m’a fait part de son désir de vouloir faire des étapes un peu partout, et il m’a donné son accord et sa confiance pour la direction du Juste Debout à Lille, sans même savoir si j’avais une structure. Je connaissais le secteur 7 depuis longtemps, alors on a commencé à démarcher, cherché des gens pour nous aider ce qui n’était pas facile car beaucoup avaient déjà leurs battles. Et puis, j’avais eu l’opportunité de connaître Olivier Sergent (responsable de la maison de folies de Wazemmes), une personne qui m’a vu débuté chez Farid Berki, vu que c’était son ancien administrateur donc il m’a également fait confiance depuis trois ans. Aujourd’hui, nous sommes devenus une grande famille, je kiffe, c’est un rêve de gosse!!
Maintenant que le HipHop est rentré dans les institutions, crois-tu que ça va changer la donne?
Je ne pense pas que l’on puisse dire que la culture HipHop soit totalement rentrée dans les institutions. Elle est encore trop jeune, elle se nourrit et évolue encore. Il faut éviter qu’on la codifie pour la préserver le plus longtemps possible. Il faut garder le côté sauvage, marginal du HipHop! Je pense qu’ils vont avoir du mal à la faire rentrer dans les institutions.
Quelle différence il y a-t-il entre Lille et Paris?
On a voulu sortir avec l’un des jurys, nous nous sommes fait refoulés 8 fois de suite! Paris a une culture clubbing, de groove intérieur, de danse, alors qu’ici on ne nous laisse pas sortir. On doit s’entraîner en salle et non dans des clubs. Mais attention Lille n’est pas si à la traîne que ça, le niveau est là tout de même.
Et le fait que la Belgique ne soit pas si loin, n’est-ce pas un avantage par rapport à Paris?
Pas vraiment, car nous on doit prévoir. A Paris tu prends le métro et tu fais deux stations….tu sors tu t’amuses tu danses!mon projet futur c’est de trouver une salle pour pouvoir créer, donner des cours avec d’autres danseurs, lancer une dynamique et puis on voit…
Quels sont les 5 mots qui te définissent le mieux?
Imagination, originalité, performance, esthétique, compétition.
Mot de la fin ?
‘kiffer la danse’